CHAPITRE 4
Patriarcat, sexisme, prostitution, oppression et exploitation sexuelle, tous des sujets maintes fois revus et ressassés. Tellement, que l’on en vient à se demander s’il reste vraiment quelque chose à en dire. Si anciens et actuels, ces enjeux en sont devenus ordinaires, voire une fatalité, et c’est justement là la plus grande menace. Ces problèmes sont ancrés dans notre quotidien et notre inconscient. Ils conditionnent si sournoisement nos vies qu’ils viennent à ne plus être vus donc combattus.
Nombreux sont ceux qui ont l’impression de ne pas être concernés ou se sentent impuissants face aux décisions prises par les dirigeants de ce monde, et avec raison ! Verbiage creux, manque d’informations et de suivi, rien n’est simple lorsqu’il s’agit de politique. Nombreuses sont les possibilités quant aux réelles intentions des puissants de ce monde. Qu’en sait vraiment le commun des mortels ? Assez ironiquement, le langage populaire n’est pas très « populaire » lorsqu’il s’agit des droits du peuple. Le simple citoyen est tenu loin de ce qui se trame derrière le rideau de la scène politique.
« Peu à peu, le fossé s’élargit entre ceux qui précisent le contenu de la connaissance et ceux qui ont besoin de connaître la réalité pour mieux faire face aux difficultés » (Albert Jacquard).
Nous avons accès à quelques bribes d’information, certes, mais quand est-il des véritables causes et conséquences de ces enjeux et des liens qui les unissent ?
Quelles sont leurs répercussions sur nous, gens du peuple ?
De toute évidence, le domaine de l’environnement est loin d’être toujours prioritaire. Le profit au détriment des droits de la personne et de l’environnement n’est une cachette pour personne. Le capital est le nouveau Dieu planétaire. La loi du plus fort domine et c’est chacun pour soi. Partout, on nous promet un changement sur tous les fronts. Parfois, nous y parvenons. Toutefois, les mots génocide, féminicide, esclavage, exploitation, corruption, privatisation, guerre, famine, maladie, pollution, réchauffement climatique, pauvreté, racisme, et j’en passe, sont encore très actuel.
S’il est vrai que la possession et le pouvoir sont le dessein de l’élite, il n’en demeure pas moins celui des gens à la base de cette structure sociale. De ce fait, chaque classe sociale consent ainsi à préserver la structure de cette même classe et, par conséquent, à la conservation d’une gouvernance verticale.
Cela dit, il serait facile de jeter tout le blâme sur les dirigeants mondiaux uniquement. C’est de nous-mêmes qu’il faudra d’abord exiger un changement. Paraître est devenu plus important qu’être. Le culte de l’argent et du pouvoir est présentement aux commandes et tant que le cœur ne reprendra pas le contrôle, la paix restera ce mirage d’espoir à partir duquel nous continuerons de survivre sans jamais pouvoir vivre.
« Avec l’intellect, on ne connaîtra jamais la réalité. On connaîtra peut-être beaucoup de détails à la surface, mais jamais la réalité, la quintessence. C’est au cœur qu’est donnée la faculté de pénétrer la réalité » (Omraam Mikhaël Aïvanhov, philosophe).
Le changement, c’est ce que nous désirons tous, mais il faudrait d’abord savoir par où commencer. Ces drames sont le fruit de quelque chose et, bien que les causes puissent être multiples, leur origine, elle, est unique.
La solution ne se trouve pas dans le barillet d’une arme, par l’intermédiaire d’un billet de banque ou l’entremise de la prochaine loi à être entérinée, mais à travers notre conception de l’amour. Par conséquent, de la sexualité. Essayer de régler les problèmes internationaux tout en ignorant ceux de l’être humain est une tentative tout à fait inutile pour rétablir la paix mondiale.
Depuis toujours, nous avons tenté de définir l’amour, la sexualité, l’homme, la femme, la vérité et le sens de la vie. Déterminer par une formule précise l’ensemble des caractères qui appartiennent à ces concepts. La réalité dépasse de loin cette simple uniformisation et cette logique simpliste ne rend pas compte de la diversité réelle.
La sexualité et les relations entre l’homme et la femme ont continuellement été régies par des lois préétablies. Que ce soit de façon consciente ou non, nous les respectons. Bien que les comportements et les attitudes à adopter diffèrent selon la culture, le système politique ou encore la religion, la sexualité et la honte demeurent toujours fortement liés.
Qu’il soit laïc ou non, l’État s’est toujours préoccupé de l’aspect intime de la vie des gens. Le changement est d’actualité, tant qu’il reste dans les « bonnes » mœurs. Partout dans le monde, notre notion de l’amour et de la sexualité est ambiguë et paradoxale. Pourtant, sous ses airs désinhibés, se cache une société encore très puritaine. L’homme comme la femme est soumis à une grande pression de toute part.
Les parutions quotidiennes dans la section « Faits divers » du Journal de Montréal illustrent d’ailleurs merveilleusement cette ambiguïté, cette double morale. L’annonce d’une femme désirant coucher avec 23 hommes en même temps pour ses 23 ans a toujours son effet. Ça choque, ça fait jaser, ça vend.
Alors, pourquoi donc tout ce vacarme si le sexe est naturel et légitime ?
Ou plutôt, dans quel contexte l’est-il ?
Prenons maintenant ce même exemple en changeant la femme pour un homme (avec 23 femmes). L’article aurait-il autant d’impact ou seulement même une once d’intérêt aux yeux du grand public ?
La femme qui couche le premier soir est-elle désinhibée ou facile ?
Celle dont le fantasme est d’uriner sur son partenaire, de se faire observer par une tierce personne durant les ébats, de coucher avec plusieurs hommes, ou encore un homme définitivement plus mature ou plus jeune (mais majeur) est-elle libérée ou indécente ?
L’homme qui aime se faire pénétrer par sa femme à l’aide d’un jouet sexuel ou l’adepte de l’anulingus a-t-il pour autant des tendances homosexuelles ? Les scènes de films érotiques qui présente une femme avec un pénis sont parmis les plus populaires auprès des messieurs. Les statistiques démontrent clairement que nombreux sont les hommes qui ont se fantasme, pourtant peu oseront l’assumer.
Celui qui n’a pas beaucoup de libido ou qui ne ressent pas le besoin d’avoir une relation sexuelle le premier soir est-il moins homme ?
Libérée et libidineuse, telle serait notre société. Le sexe se vivrait aujourd’hui sans complexes, lui qui est décrit, explicité et analysé dans nombre d’articles. Sans doute, les choses ont bien changé depuis la révolution sexuelle. Toutefois, nous sommes loin d’être délivrés de la vision qui a perduré durant des millénaires d’une sexualité qui éloignerait l’humain des valeurs morales et ne pourrait qu’engendrer le désordre social et la décadence. Le sexe, oui, tant qu’il n’est pas séparé de l’amour, qu’il ne heurte pas les coutumes et ne dérange pas les bonnes consciences.
Quoi qu’on en dise, la sexualité demeure un sujet épineux qui n’a pas fini de semer l’embarras. On n’a qu’à prendre l’exemple typique du malaise qui s’installe lorsque vient le temps pour les parents d’expliquer la sexualité à leurs enfants. Les téléromans prennent d’ailleurs souvent un malin plaisir à nous servir ces mêmes clichés. Le malaise qui peut survenir si l’on se fait prendre ou que l’on prend notre partenaire à se masturber ou à regarder un film pornographique, alors qu’il est pourtant tout à naturel d’avoir parfois envie d’un moment solo. La gêne que plusieurs éprouvent au moment d’acheter des préservatifs ou encore un jouet sexuel. L’angoisse qui survient lorsqu’arrive le temps de faire part au médecin de certaines maladies ou dysfonctions sexuelles. Les troubles sexuels impliquant le désir, l’excitation ou l’orgasme n’ont pourtant rien d’exceptionnel. Cependant, nombreux sont ceux et celles qui préfèrent endurer leur souffrance psychologique ou physique afin d’éviter d’en parler. Les médecins sont d’ailleurs souvent dans l’obligation d’aborder le sujet eux-mêmes puisqu’ils savent pertinemment que plusieurs tenteront de passer ça sous silence. Nombreux sont les gens pour qui la simple prononciation des mots « pénis » et « vagin » peut être très inconfortable. Parler d’orgasmes peut également être intimidant pour certains. S’assurer que les deux partenaires ont atteint l’orgasme demeure un sujet délicat et tabou pour bien des gens. Nombreux sont les exemples que je pourrais citer.
Même lorsqu’il s’agit des cours d’éducation sexuelle, l’inconfort est palpable. Les enseignants sont souvent mal à l’aise d’enseigner cette matière sensible. Quant aux tabous relatifs à la sexualité des aînés ou celle des personnes handicapées, pas besoin de vous dire qu’il nous reste un long chemin à parcourir !
Les problèmes sexuels du couple contemporain sont multiples, souvent muets, et ce n’est pas sans raison. Personne ne veut porter l’étiquette du « pervers sexuel », mais paradoxalement, c’est ce que nous sommes tous, dans une certaine mesure. Rares sont les gens pour qui s’imaginer une simple fleur ou un beau paysage suffit à déclencher l’orgasme.
Le sentiment amoureux à lui seul est certainement l’un des éléments clés pour atteindre l’extase, mais la plupart du temps est-il réellement suffisant ?
Nous aurons beau le nier, les fantasmes sexuels font partie de ce qui stimule le désir et l’excitation sexuelle. Le cerveau y occupe une place prépondérante. Il est d’ailleurs considéré comme le principal organe sexuel. Que l’on soit homme ou femme, l’imaginaire joue un rôle central dans le domaine de la sexualité.
Comme je le mentionnais plus tôt, les recettes de l’industrie du sexe se chiffrent en milliard chaque année. Elle fait partie des marchés les plus lucratifs au monde. Les bénéfices colossaux que rapporte l’industrie du sexe et tout ce qui en émane, ne seraitce que l’industrie du film X, exprime bien cette marge entre ce que nous croyons être, ce que nous paraissons être et qui nous sommes réellement. Pourtant, bien que les chiffres parlent d’eux-mêmes, peu de gens avoueront en visionner. Ce tabou est encore plus persistant pour celles et ceux qui sont en couple.
Depuis toujours, l’Église et l’État ont travaillé très fort dans le but de corrompre toutes les facettes de la sexualité qui ne correspondent pas à leurs idéologies. Au-delà de la sexualité à but procréatif, tout comportement sexuel a été considéré par les médecins comme une maladie et par les moralistes comme un outrage à la morale. Évidemment, ces comportements étaient d’autant plus condamnables s’il s’agissait d’une femme.
Nos sociétés contemporaines doivent encore aujourd’hui faire face à de nombreuses conséquences découlant de cette période sombre pendant laquelle médecine, justice et religion se sont alliées pour médicaliser et punir les comportements sexuels s’éloignant de la norme. Nombreuses sont les pratiques sexuelles qui en portent toujours les stigmates.
Encore aujourd’hui, bien qu’elles soient peu respectées et rarement punies, de nombreuses lois sont toujours en vigueur concernant la sexualité entre deux adultes consentants. À Washington D.C., capitale des États-Unis, la seule position sexuelle tolérée est le missionnaire. Toutes les autres sont illégales… À Rhode Island (États-Unis), le sexe oral est considéré comme une abomination et un crime horrible contre la nature.
Dans treize autres états américains, le sexe oral reste interdit et peut, au minimum, vous faire ficher comme « délinquant sexuel ». Interdiction de se masturber chez soi ou ailleurs, interdiction de s’embrasser, interdiction pour la femme d’avoir un orgasme, interdiction du sexe anal… La liste est longue. Il y’aurait matière à se demander en quoi ce qui se passe sous la couette entre deux adultes consentants regarde le gouvernement.
Bien sûr, nous ne vivons plus dans cette société si puritaine (du moins en Occident) où la question de sexe n’est jamais abordée. Le sexe intéresse tout le monde, il vend. À la télé, à la radio, dans les journaux, les magazines, sur Internet, dans les publicités, on en parle partout et tout le temps. La morale d’antan a été remplacée par une autre… celle de la performance, une course à la jouissance.
En plus de faire figure de professeur en éducation sexuelle pour les jeunes, le film X est devenu un modèle pour tous. C’est à travers celui-ci que s’impose l’idéal sexuel d’aujourd’hui. Un acte sexuel parfait où tout s’enchaîne naturellement. Une mise en scène, des dialogues judicieusement adaptés au contexte, des jouets sexuels de toute sorte, les bons gémissements aux bons moments, de parfaits mouvements et sur les temps, des parties génitales sans défauts et rasées de près. Personne ne semble jamais essoufflé, aucun homme n’est précoce, jamais ils n’ont de troubles érectiles, de malaises, d’inconforts ou de douleurs (à moins que ce soit voulu), mais tout cela reflète-t-il réellement la réalité ? Bien évidemment que non !
Nous sommes encore malheureusement très loin de ladite libération sexuelle. La chambre à coucher reste un lieu d’échange où le principal n’est pas dit. La sexualité des gens reste dans le domaine du secret et, par conséquent, souvent à l’abri des statistiques.
Dans une société de performance où l’esthétisme domine et où l’idéal de beauté est presque inatteignable, se dévêtir est pour bien des gens une étape pénible et considérablement ardue. Plusieurs préfèrent d’ailleurs garder la lumière éteinte et les couvertures servent souvent de camouflage durant les ébats. Nombreuses sont celles qui vont même jusqu’à garder leur soutiengorge et leur chandail pendant une longue période avant de se sentir suffisamment à l’aise de les retirer. Les complexes physiques, la gêne et les malaises qui en découlent sont fort courants. Rien d’étonnant étant donné la pression exercée sur les femmes pour rester jeune et belle.
L’injonction du corps parfait étant partout, même dans nos petites culottes, la taille de la vulve, du clitoris et des lèvres est pour plusieurs devenu une source de tracas et de honte. De nos jours, un nouveau dictat, un complexe silencieux vient peser sur les épaules des femmes: Celui de la vulve parfaite. Un sexe quasiment imberbe, parfaitement symétrique, une couleur rosée, une forme arrondie d’abricot où absolument rien ne dépasse (les grandes lèvres viennent recouvrir complètement les plus petites). Cette image plébiscitée par les hommes au travers de l’industrie pornographique laisse évidemment des traces dans l’imaginaire des femmes et plusieurs s’inquiète de savoir si leur vulve est normale. Bien que selon une étude menée par le site Gynoversity, seule 27% des vulves ne laissent pas paraître les lèvres internes, nombreuses sont les femmes qui se sentent anormale. Que l’on veuille ou non, femmes et adolescentes sont bel et bien influencées par cette imagerie irréaliste du porno. Tant et si bien que le nombre de labiaplastie, Chirurgie esthétique des petites ou des grandes lèvres du sexe féminin, ne cesse d’augmenté. Ayant moi-même subi deux augmentations mammaires ainsi que deux labiaplasties, je peux vous dire que je n’échappe pas non plus aux dictats de la beauté. La pression se fait d’autant plus sentir lorsque notre apparence, notre corps, est notre outil de travail.
De plus, il n’est pas rare que certaines positions soient évitées afin de cacher un complexe. Que ce soit du côté de l’homme ou de la femme, de nombreux facteurs influencent nos relations sexuelles : la crainte d’émettre des sons étranges, de ne pas bouger correctement ou sur le bon tempo, celle d’avoir mauvaise haleine, ou encore une fuite urinaire. Il y a ensuite la crainte de dégager une odeur désagréable au niveau des parties génitales, des pieds ou autres. La peur de ne pas être en érection, lubrifié ou jouir au bon moment, etc. Les handicaps physiques, les blessures affectives, la vieillesse, la fatigue, les maladies, le stress et la douleur physique ont aussi un énorme impact sur le cours des choses.
Cependant, les barrières ne sont pas tant physiques que psychologiques. On veut être les « bons coups ». On ne veut pas décevoir l’autre ni paraître celui ou celle qui n’a pas d’expérience ou de « bonnes habiletés ». La peur de blesser, de déranger, de troubler l’autre ou même celle de lui faire remettre en question ses propres habiletés ne simplifie rien non plus.
En conséquence, bien que les premiers contacts sexuels puissent rapidement tinter le reste de la relation, nous agissons souvent sans rien dire. Comme si l’autre personne savait instinctivement nos préférences, nos fantasmes et que nous-mêmes connaissions parfaitement ceux d’autrui. Être guidé ou guider l’autre sur la façon dont on aime se faire caresser, masturber et pénétrer peut être gênant et en offusquer plus d’un. Pas surprenant que plusieurs se montrent réticents à l’idée d’en dire plus. Après plusieurs années de vie commune, il devient d’autant plus difficile de se débarrasser des non-dits, de briser la routine et d’admettre nos préférences.
Alors nous suivons le protocole, les femmes doivent gémir, faire du bruit, c’est une prestation vocale. Alors que les hommes, eux, doivent rester durs et performer. Sous l’apparence d’une rumeur d’uniformité, la sexualité recèle toutes sortes d’irrégularités qui la rendent tout à fait singulière. Ce qui fait que le « bon coup » des uns n’est pas impérativement celui des autres. En vérité, si vous considérez que votre partenaire manque d’habiletés au lit c’est peut-être parce que vous n’êtes pas un très bon guide non plus.
Par ailleurs, au-delà de la question des habiletés, il y a bien évidemment la question d’affinités. Les pieds, les oreilles, les aisselles, les yeux, le nombril, l’urine, la matière fécale, et j’en passe… ne sont pas synonyme de plaisir pour tous. Voir son ou sa partenaire en pleine action avec quelqu’un d’autre peut être très excitant pour certains et pas du tout pour d’autres. Chacun a ses fantasmes et ses préférences. Évidemment, tout le monde n’aime pas non plus le même genre de caresses, la même façon d’être stimulé. La fellation et le cunnilingus ont certes plusieurs adeptes, mais ce n’est pas ce que tous préfèrent. Si bien des gens aiment parler durant l’acte, ce n’est pas le cas de tout le monde non plus.
Le puritanisme des cours d’éducation sexuelle jumelé à l’image faussée et unilatérale des films pornographiques a fait son chemin. On aurait pu croire que la « libération » sexuelle irait de pair avec la créativité, mais l’activité est mécanique et les comportements sexuels sont souvent standardisés. Les gémissements qu’émettent la plupart des femmes lors des relations sexuelles en sont un exemple flagrant. Une simple reproduction de ce que l’on voit dans presque tout bon film pornographique. La femme contemporaine assume sa sexualité sans doute plus qu’auparavant. Reste que bon nombre d’entre elles ne font que jouer le rôle qu’on leur a attribué. Pour s’abandonner complètement au lit et agir naturellement, il faut d’abord être à l’aise avec son corps et sa sexualité, ce qui est loin d’être le cas de tout le monde.
La spontanéité est ensevelie sous tellement d’images qu’elle est étouffée. Comme le film X est presque le seul enseignement dispensé, comment pourrait-on faire autrement ? Il n’existe même presque aucun film où la sexualité aurait un sens et une esthétique. Un film avec un réel scénario et une histoire dans laquelle ont lieu de véritables scènes de sexe sans qu’il y ait de censure.
Comment pourrions-nous porter le blâme puisque c’est ainsi que nous avons été éduqués ? Nous sommes censés savoir. C’est du moins ce que les cours d’éducation sexuelle nous ont laissés croire puisque presque qu’aucun plan de cours ne fait mention des plaisirs de la sexualité. L’éducation sexuelle reflète bien notre pudeur. Nous mettons l’accent sur sa fonction reproductive, sur les nombreuses méthodes de contraception, ainsi que sur les différentes maladies transmissibles sexuellement. Par contre, nous ne faisons que quelques allusions détournées sur son aspect thérapeutique et sa fonction érotique.
L’insistance se fait lourde sur les potentielles conséquences négatives des rapports sexuels contrairement à leurs bienfaits. Les bienfaits d’une vie sexuelle épanouie sont souvent passés sous silence et ce n’est pas sans séquelles. Les non-dits, les interdits et les ambiguïtés qui en découlent, perpétués depuis l’enfance et l’adolescence, ont un impact énorme sur nos vies. Nos toutes premières notions en matière de sexualité ont une grande influence sur le reste de notre vie sexuelle.
L’éducation sexuelle est un sujet profondément important, peut-être même le plus important, dans le développement personnel d’un être humain. Lorsque celui-ci est absent (ou presque) du paysage scolaire, c’est notre vie sexuelle entière qui risque d’en souffrir. Bien qu’elle puisse être très différente d’une société à une autre, la sexualité de la quasi-totalité des individus est conforme aux normes de leur groupe social. Cela démontre l’influence majeure et structurante du contexte culturel sur la sexualité humaine. Ainsi, chaque génération est amenée à concevoir celle-ci de la même façon que la précédente. Pareillement, bien que les mœurs sexuelles diffèrent d’une génération à l’autre, les tabous demeurent sensiblement les mêmes. Nous reproduisons approximativement le même schéma.
Au-delà des MTS et des méthodes de contraception, il y a le plaisir, les fantasmes, la masturbation, l’orgasme, la libido, les préliminaires, les différentes zones érogènes, la diversité des pratiques sexuelles et érotiques, l’importance de communiquer avec son ou sa partenaire, les nombreuses définitions d’une relation sexuelle satisfaisante, la diversité des genres, la diversité des mœurs, des croyances, des valeurs et des représentations sexuelles et amoureuses, ainsi que tous les aspects affectifs et émotionnels en relation avec le comportement sexuel, etc. Apprendre à identifier ses émotions ainsi qu’à les évaluer et s’affirmer ne devrait pas aussi faire partie des plans de cours ? Cette éducation devrait également prendre en considération la pression exercée par la question des rôles sexuels, le danger auquel nous exposent les stéréotypes sexuels associés aux hommes et aux femmes et leur impact sur les relations filles-garçons.
Si le plaisir sexuel et tout ce qui s’y rattache sont fréquemment passés sous silence lors des cours d’éducation sexuelle, ce n’est pas sans conséquence. Nous l’avons presque totalement éradiqué des plans de cours comme s’il n’avait pas d’importance alors que c’est pourtant un élément substantiel d’une sexualité épanouie.
Même dans les manuels scolaires où l’on aborde vaguement le plaisir sexuel et les manifestations physiques de l’excitation sexuelle, le clitoris n’est que partiellement représenté. Ça semble difficile à croire et tout droit sorti d’une autre époque, mais c’est la vérité.
« Dans les livres scolaires Québéquois, la place de cet organe est toute petite, voire même inexistante dans certain cas »
-Journal La Presse , novembre 2017
Bien qu’en France un premier manuel scolaire représente enfin correctement le clitoris, sa fonction érogène n’est toutefois pas décrite. C’est dire à quel point nous avons encore beaucoup de travail à faire ! C’est à se demander quelles valeurs morales arriérées ces manuels scolaires donnent à de la simple anatomie. Que se cache-t-il derrière un tel manque délibéré d’information ?
Quoi qu’il en soit, aborder celle-ci uniquement sous l’angle de la prévention des MTS, de la grossesse ou des méthodes de contraception n’a rien de rassurant pour un jeune qui n’y connaît presque rien. Additionnées à cela des années maintenues dans la censure et l’interdit, pas étonnant que la sexualité prenne des airs avilissants et parfois même obscènes et honteux. Toujours est-il qu’il est clair que le manque d’éducation sexuelle ne fait qu’alimenter les tabous et contribue aux inégalités homme-femme.
Un autre aspect que l’on semble avoir complètement oublié de traiter lors des cours d’éducation sexuelle est la prostitution juvénile. La promotion du style de vie du « sugar baby » est désormais un véritable fléau sur les réseaux sociaux. Nombreuses sont les plateformes qui font la promotion de ce mode de vie à l’apparence « glamour ». Les jeunes filles sont aujourd’hui plus que jamais sollicitées à vendre des services sexuels. Elles sont parfois même recrutées directement dans les écoles primaires. Popularité, style de vie de princesse, faramineux montants d’argent, tous les appâts sont bons lorsqu’il s’agit de recruter de nouvelles filles.
De toute évidence, les temps ont bien changé depuis l’époque où le seul accès pour les jeunes à du contenu à connotation sexuelle se limitait à quelques magazines érotiques trouvés au fond du placard. La marge entre ce que l’on apprend à nos jeunes sur la sexualité dans les écoles versus ce à quoi ils ont accès sur Internet est sans commune mesure. Il n’y a pas à dire, nous avons du pain sur la planche avant que notre système d’éducation ne soit adapté à la réalité des adolescents d’aujourd’hui. Ne vaudrait-il pas mieux instruire et conscientiser nos jeunes face à cette réalité avant que le Web ne le fasse à sa manière ?
La prostitution juvénile est malheureusement une réalité de plus en plus criante. Tenir les jeunes dans l’ignorance n’est qu’un outil de plus pour les proxénètes. Connaître les stratagèmes utilisés par ceux-ci pour recruter les filles est, selon moi, incontournable si l’on souhaite réellement protéger nos enfants.
Bien sûr, la DPJ a mis des ressources en place pour mettre en garde les jeunes filles et les aider à se sortir de ce milieu, mais n’est-ce pas légèrement trop peu trop tard puisque les seules à y avoir accès sont déjà prises au piège ? Les parents veulent évidemment garder leurs enfants très loin, le plus loin possible de cette dure réalité, et je les comprends parfaitement. Garder tout cela secret peut donc sembler être la meilleure option, mais dans les faits, c’est probablement la pire. On aura beau faire abstraction de tout ça, la réalité reste la même et nous ne pourrons jamais avoir la certitude qu’elles ne feront pas la rencontre de l’un d’eux un jour.
Comment voulez-vous que nos filles reconnaissent les véritables intentions de ceux-ci, prennent du recul sur ce qui leur arrive et se posent de sérieuses questions si elles n’ont même aucune idée de ce qu’est un proxénète ? C’est bien là le plus grand pouvoir du « pimp », l’art de la manipulation. Ils misent sur la naïveté et l’ignorance des filles. Il est beaucoup plus facile pour eux de manipuler une fille qui n’a pas conscience de leurs subterfuges, qu’une fille avertie.
De plus, l’hypersexualisation des jeunes filles est devenue une question bien préoccupante. En étant entourées de poupées et de princesses, dont la qualité première est la beauté, les filles apprennent très tôt à miser sur leur apparence.
Les jeunes cherchent des modèles à imiter pour développer progressivement leur identité. Or, les modèles présentés dans l’industrie du spectacle, en particulier la chanson, présentent souvent des contenus sexuels explicites. Chorégraphies, vêtements, paroles de chansons et comportements érotiques sont très fréquents et ont un impact considérable dans la formation de l’identité des jeunes. Sans cesse axés sur l’apparence, le sexe et la commercialisation de celui-ci, les médias jouent aussi un rôle important dans l’éducation sexuelle des jeunes. De la mode vestimentaire au contenu médiatique en passant par la musique, les vidéoclips, les films, les jeux vidéo, les bandes dessinées, les dessins animés, la publicité, les réseaux sociaux et la pornographie facile d’accès sur le Net, les influences sont nombreuses. L’hypersexualisation est un phénomène complexe dans lequel plusieurs facteurs entrent en jeu.
Lorsque la pornographie et les médias demeurent, dans l’ensemble, les principales sources d’éducation sexuelle, comment s’étonner que de plus en plus de jeunes filles mineures se dénudent sur les réseaux sociaux ? Leur confusion est d’autant plus grande que les normes sociales sont contradictoires : elles devraient être à la fois innocentes et séductrices, vierges et expérimentées.
Chaque jour, les enfants sont exposés à des centaines de publicités qui influencent bel et bien leur perception de leur corps et de leur sexualité. Je crois qu’une meilleure éducation sexuelle pour les adolescents contribuerait à amoindrir considérablement l’impact que peuvent avoir ces diverses influences. Outiller les jeunes face à l’hypersexualisation est absolument indispensable.